Un autre Reg'Art

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DENOYADE

Le courant m’emporte vers la cascade. Pour celui qui regarde depuis le pont, c’est majestueux. Pour moi, qui suis dans la tourmente, c’est l’enfer. Je ferme les yeux, le temps, la vie … rien n’a plus d’importance sauf cette douleur de n’avoir pas été capable de lui résister, la honte de ne pas m’être battue pour préserver ma virginité. Il disait que c’est comme ça qu’un papa aime sa petite fille chérie. Et moi, avec l’innocence de mes huit ans, je l’ai cru et pire, je l’ai laissé faire.

 

Je n’éprouve que dégoût et haine envers moi, encore plus qu’envers lui. J’aurais dû dire … j’aurais dû réagir … mais à quoi bon les regrets. Tout comme la rivière ne remonte pas le courant vers sa source, jamais je n’effacerai les horreurs vécues. Ballottée dans les tourbillons des chutes, j’attends la noyade comme une délivrance.

 

Sans raison, mon instinct de survie m’arrache au bouillonnement des eaux en furie et m’emporte au loin. Le courant est plus calme, je reprends pied, lavée de la culpabilité et de la honte qui m’habitent depuis tant d’années. Je dis à la petite fille que j’étais : « Pardon, ce n’était pas de ta faute. Tu n’as rien à te reprocher. »

 

Je remonte sur la berge, j’ai enfin fait la Paix avec moi-même. Je me suis dénoyée ! Aujourd’hui, j’avance vers un avenir radieux, animée de l’énergie des survivants. L’horizon est dégagé et lumineux.

 

D’après une aquarelle de Sara Farokhi

©Mannuella ISENIDénoyade.jpg



21/10/2024
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